
Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, recevez par la présente la supplique de celui qui aime et qui chérit son pays, ses institutions, sa cuisine mais qui n’en peut plus de payer deux chambres d’hôtels quand une seule suffit.
Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, croyez-le bien que je respecte la Religion et la Tradition, mais permettez-moi humblement de porter à votre Haute Attention l’existence d’Ain Diab où j’ai accidentellement passé quelques heures samedi soir, entre minuit et 5 heure du matin, et je peux vous dire qu’il vaut mieux prendre une seule chambre, après tout, franchement.
Parce qu’après tout, Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, quand on a 36 ans et que l’on est divorcé.e, ce que l’on appelle « débauche » à 20 ans devient une initiative de développement humain, voire une action humanitaire à portée sociale évidente. Et puis d’ailleurs, après une année de labeur honnête et quotidien, après une journée à se promener sous 45°, une soirée à dîner aux douces sonorités de la reggada de l’Orientale, pensez-vous vraiment que la morale soit en danger ? Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, la tendresse et l’affection et le sommeil en dos de cuillères ne sont pas passibles de poursuites pénales. Et la préparation et la mise à disposition d’un lieu en vue de l’exercice de la tendresse est un beau et noble métier.
Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, permettez-moi de vous alerter que pour gouter un peu à la souveraineté sur soi-même, notre classe célibataire sans visa cède, chaque jour davantage, aux intelligentes sirènes ottomanes, tandis que la classe célibataire pourvue d’un visa a opté depuis longtemps pour l’Outre-mer.
N’est-ce pas une grande injustice faite aux marchands du pays et un grand tort à la classe célibataire tout entière ? C’est aussi une offrande exorbitante et injustifiée aux Gaouris et aux Ottomans.
Car, Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, lorsqu’un couple de Gaouri, disons par exemple Jacquie et Michel, se rendent à Agadir pour une semaine, c’est à 399 EUR all-inclusive. Lorsque notre ami Abdullah du Golfe loue l’étage de l’hôtel pour jouir du calme et de la sérénité qui font la notoriété de Marrakech, c’est grâce à la manne pétro-gazière que le Très Haut a bien voulu lui donner, mais que se passe-t-il lorsque Mehdi et Zineb voyagent dans leur pays-bien aimé ? Ne sont-ils pas moins richement dotés, plus férocement scrutés et finalement moins bien accueillis dans leur propre pays que les Gaouris et les Golfiotes ?
Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, je vais vous le dire, car il existe trois possibilités qui, vous le constaterez, ne satisfont ni le bon sens, ni les bonnes mœurs :
– La ruine financière, car il faut prendre deux chambres ;
– L’établissement de relations amicales et coordonnées avec un autre couple, de façon à voyager en quadrille, quitte à ce que les gens se trompent parfois de chambres, à force ;
– Cessez de voyager avec une personne du sexe opposé, et privilégier les relations amicales avec le sexe concordant, ce qui soulève d’autres défis en termes de politique pénale.
Ô Nobles Seigneurs de l’Antique Magasin, puisque l’air du temps est à la normalisation, recevez cette supplique que je dépose humblement à vos pieds, en vous priant de bien vouloir également normaliser, dans la foulée, les relations entre les Marocains et les Marocaines, adultes, consentants, travailleurs et chômeurs, célibataires ou divorcés, jeunes et vieux, ceux qui aiment et ceux qui voudraient bien, les riches et les impécunieux, pour enfin, normaliser la possibilité de sentir vivants et heureux, dans ce pays que nous aimons tant.
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